Mécanismes du comportement
La doctrine du «tout acquis»
Puisque cet ouvrage traite de l’éducation
et de l’instruction et que l’éducation concerne le comportement
c’est-à-dire nos rapports avec le concret, les choses et les gens,
nous devons étudier son mécanisme pour savoir jusqu’à
quel point nous pouvons le modifier.
La doctrine actuelle date du Siècle
des Lumières. Condorcet en a défini le principe de base en
disant : «Il n’y a entre les deux sexes aucune différence
qui ne soit l’ouvrage de l’éducation.»
C’est la doctrine du «tout-acquis»
qui prétend que l’enfant est formé par ce que lui apporte
sa famille, son environnement social, la société à
travers l’école. Il est comme la glaise entre les mains du sculpteur.
Au temps de Cordorcet comme de nos
jours, éduquer et instruire étaient presque synonymes parce
qu’on croyait pouvoir éduquer le comportement en formant l’esprit.
De nos jours, la société à travers l’école
enrichit l’esprit des enfants de bons principes : non-violence, respect
des opinions d’autrui, tolérance, résolution des conflits
par le dialogue et l’on s’aperçoit que de tels principes ne sont
appliqués que par les enfants, très minoritaires dont le
naturel les prédispose à se comporter selon ces principes.
Les autres, hélas, n’en ont cure.
Les besoins naturels
La personnalité que les intellectuels
appelaient autrefois le caractère et le peuple le naturel (chassez
le naturel, il revient au galop) je préfère l’appeler la
nature profonde.
La nature profonde est la somme
des instincts qui nous incitent à satisfaire nos besoins biologiques.
Ceux-ci nous permettent de survivre et de perpétuer notre patrimoine
génétique. Ces besoins fondamentaux comme manger, boire,
se protéger des intempéries et des prédateurs, vivre
en communauté et en son sein communiquer, satisfaire son besoin
de paraître et sa volonté de puissance, vivre en couple, satisfaire
ses pulsions sexuelles, aimer et protéger ses enfants, etc., forment
notre nature profonde. Le dosage de ces besoins et la manière dont
ils s’expriment varient avec chaque individu et forment sa personnalité.
Seuls les vrais jumeaux ont la même personnalité.
Quelles sont les incitations poussant
à satisfaire les besoins naturels nécessaires à la
survie de l’individu et à sa perpétuation ? Le plaisir et
la souffrance sous toutes ses formes. C’est ainsi que la température
optimum nous permettant de conserver notre bonne santé et notre
activité est 20°. Une température de 30° ou de 10°
nous procure des sensations désagréables qui nous font rechercher
un lieu soit plus frais, soit plus chaud. Ce ne sont donc pas les découvertes
scientifiques dans le domaine médical qui nous incitent à
rechercher une température de 20° mais le besoin de se sentir
bien.
Pour satisfaire ses besoins l’être
humain doit s’adapter à son environnement. Une fois qu’il a trouvé
le processus pour satisfaire l’un d’eux, il va le répéter
et se créer une habitude. L’ensemble des habitudes forme ce que
l’on appelait autrefois la seconde nature. Alors que la nature profonde
ou personnalité est définitivement fixée dès
la conception, la seconde nature peut être éduquée,
modifiée. Selon certains critères, un être peut acquérir
de bonnes ou de mauvaises habitudes.
A titre d’exemple la soif traduit
un besoin biologique qui peut se satisfaire de mille manières. Suivant
le lieu où il se trouve l’être humain peut aller chercher
de l’eau dans un puits ou se servir d’un robinet s’il a l’eau courante
ou préférer une eau minérale de meilleur goût
et il peut l’acheter dans divers magasins. Il va finir par déterminer
le processus qui lui convient pour étancher chaque jour sa soif
et peu à peu le répéter et se créer une habitude.
Changeant de lieu, il devra remettre
en question ce processus, changer ses habitudes. Seul son besoin d’eau
qui fait partie de sa nature profonde ne peut varier.
Alors que chez les animaux le choix
instinctif de ce qui est bon ou mauvais dans un environnement naturel ne
saurait être erroné, chez les êtres humains de nombreuses
inventions ont mis à sa disposition des produits «trompeurs»
comme le tabac, l’alcool, les drogues. En effet, ces produits lui procurent
des sensations positives alors qu’elles devraient être négatives
pour lui interdire de les utiliser. Elles sont de fait défavorables
à sa survie et à la perpétuation de son patrimoine
génétique, objectif suprême bien qu’inconscient à
partir duquel s’ordonnent toutes les activités animales et végétales.
Notre nature grégaire
Un troisième aspect de notre
comportement vient de notre nature grégaire. Un être humain
ne peut vivre seul. La mise en quarantaine est la pire des épreuves
à laquelle peu d’êtres peuvent survivre.
Nous voilà donc éprouver
le besoin de nous insérer dans un certain nombre de communautés
plus ou moins grandes, d’abord familiales, ensuite communauté de
travail, mondaine, sportive, religieuse, nationale, etc., ce qui nous amène
à différentes adaptations comportementales. Par exemple nos
vêtements vont changer suivant que nous sommes seuls, position où
se révèle notre nature profonde ou en famille, au bureau,
dans une réunion mondaine, avec des copains…
Dominants et dominés
Dans chaque groupe il existe un
ou des dominants qui donnent le ton et une multitude de dominés
qui suivent. Ainsi naissent les modes vestimentaires auxquelles il est
difficile de se soustraire même si l’on prétend n’en pas tenir
compte. Les femmes y sont plus sensibles que les hommes et même si
une nouvelle mode est condamnée par beaucoup d’entre elles qui prétendent
«que jamais elles ne porteront ça» elles n’y résistent
guère plus de deux mois.
Pour connaître la nature profonde
d’un être il faut savoir comment il se comporte hors de tout groupe.
Ainsi par exemple lorsqu’il conduit seul sa voiture un homme d’une très
grande courtoisie lors d’une réception mondaine peut se muer en
parfait goujat lorsqu’il s’agit de ravir une place de parking à
un autre conducteur qui l’attendait depuis plus longtemps.
Parfois un être ayant du génie
dans l’art oratoire peut subjuguer les foules et sembler créer un
«homme nouveau» auquel tous les citoyens s’efforcent de ressembler.
Que ce dominant disparaisse et que
de nouveaux leaders prennent la place des anciens et le monde entier croira
que les citoyens de ce pays ont totalement changé. C’est une erreur,
leur nature profonde étant toujours la même. Les changements
chez les individus qui forment une nation se font toujours très
lentement et sont toujours dus à des dérives génétiques
et non à des mouvements d’idées.
Cet instinct grégaire est
d’une extrême importance pour expliquer notre comportement en certaines
circonstances. Parmi les animaux qui vivent en communauté le chien,
qui le possède, peut remplacer le dominant de la meute par son maître.
L’homme et son chien
Jack London qui a participé
à la Ruée vers l’or a beaucoup étudié les rapports
entre l’homme et son chien. Il pensait que pour le chien qui adore son
maître celui-ci est comme un dieu dont il ne peut se détacher.
Que le maître soit bon pour lui ou méchant, l’animal lui reste
fidèle et le défendra jusqu’à y perdre la vie.
Ainsi l’homme ayant donné
sa foi à un chef le suivra jusqu’au bout, parfois jusqu’au sacrifice.
Si les conflits entre le comportement
«naturel» et le comportement grégaire sont connus depuis
la nuit des temps, la psychanalyse a su les présenter d’une manière
nouvelle en appelant la nature profonde l’inconscient ou le subconscient.
La psychanalyse
Appartenant à l’école
de pensée du «tout-acquis» la psychanalyse prétend
que cet inconscient n’est pas inné mais s’est formé dans
la petite enfance et que l’individu peut modifier certaines pulsions qu’il
veut combattre en prenant conscience de certains incidents de sa petite
enfance, les «traumatismes du vécu».
A titre d’exemple jusqu’à
la première moitié du xxe siècle, le comportement
grégaire était en partie subjugué par une morale dominante
qui entre autre considérait comme bien l’union hétérosexuelle
et mal l’homosexualité. D’où naissance de graves conflits
chez les homosexuels. La psychanalyse s’est acharnée à prétendre
que l’homosexualité était provoquée par des relations
équivoques pendant la petite enfance. Elle était de toute
façon acquise. De nos jours il ne fait plus de doute qu’il s’agit
d’une différence innée, génétique.
Il est intéressant de noter
qu’une récente campagne de journaux anglais contre les pédophiles
s’est traduite par la publication de noms et photos d’individus ayant été
condamnés pour de tels comportements, parfois vingt ans plus tôt.
Cela voulait dire que contrairement à la doctrine freudienne, la
pédophilie était considérée par ces journaux
comme innée et irrémédiable.
Chose étonnante, les nations
européennes n’ont pas protesté avec véhémence
contre ce retour à la doctrine du «criminel né»
qu’ils avaient autrefois radicalement condamnée. Ainsi les psychanalystes
se réfèrent toujours à un maître tout en ayant
abandonné sa doctrine.
Je voudrais préciser que
si l’éducation correspond à la nature profonde, à
une tendance innée, ce qui sera appris subsistera après le
départ de l’éducateur. Par contre si cette éducation
ne correspond pas à la nature profonde et si la société
par son action grégaire ne prend pas le relais de l’éducateur,
toutes les leçons de celui-ci seront vite oubliées.
Qui vole un œuf vole un bœuf
Autrefois pour réprimer une
tendance innée au vol, on disait aux enfants : «Qui vole un
œuf vole un bœuf» et le vol d’un œuf était très sévèrement
puni. Ensuite, chez l’adulte la société prenait le relais
et châtiait cruellement le voleur, souvent en le suppliciant en place
publique. Le vol était de ce fait extrêmement rare. C’est
ainsi que Louis XIV permettait à n’importe qui de visiter le château
de Versailles à condition d’être habillé proprement.
On pouvait louer un pourpoint si nécessaire à la porte du
château. Aucun vol, aucun vandalisme n’a été à
déplorer.
En ce temps-là, toutes les
églises étaient ouvertes. De nos jours, elles sont fermées
en dehors des heures de cérémonies.
Le savoir-vivre
Je me suis efforcé d’analyser
le comportement humain et d’expliquer son mécanisme en révélant
l’existence d’une nature profonde ou personnalité qui est intangible.
C’est l’inné définitivement fixé au moment de la conception.
Rien ne peut le modifier.
J’ai également révélé
l’existence d’une seconde nature, celle des habitudes. Elle seule peut
et doit être éduquée pour apprendre au futur adulte
à s’intégrer à la société en s’adaptant
à ses lois, à ses usages, à ses coutumes. C’est le
savoir-vivre.
L’analyse du comportement de l’être
humain a également révélé l’importance des
instincts grégaires, comme nous l’avons déjà dit.
C’est probablement la nature profonde
qui choisit la communauté à laquelle l’individu va s’intégrer
en imitant son ou ses dominants. Il ne sait pas toujours où cela
va le mener mais s’il est subjugué, cela veut dire qu’il perd son
autonomie, sa liberté de jugement.
Comme je l’ai dit nous appartenons
en même temps à plusieurs communautés, indépendantes
les unes des autres.
Pour résumer, on peut dire
que lorsqu’un individu agit c’est poussé par sa nature profonde,
il choisit par habitude, ou pour se conformer au comportement des membres
d’un groupe auquel il appartient.
Cependant l’être humain n’est
pas que cela car la nature profonde, les habitudes et les instincts grégaires
se retrouvent chez de nombreux animaux et expliquent leur comportement.
L’imagination créatrice
L’homme primitif avait un comportement
très voisin de celui de certains animaux dits supérieurs.
C’est l’imagination créatrice que ne possède aucun animal
qui semble être la seule différence expliquant son évolution.
Encore faut-il comprendre selon
quels critères les individus adoptent une invention faite par l’un
d’eux. La recherche du moindre effort en est le principal. Cette tendance
existe chez tous les animaux. La «Société protectrice
des Oiseaux» recommande de donner de la nourriture aux oiseaux en
hiver mais d’arrêter fin mars afin d’éviter qu’ils deviennent
dépendants d’une nourriture facile à trouver. Sinon l’arrêt
de cette distribution peut provoquer leur mort par incapacité de
faire les efforts nécessaires pour trouver leur subsistance habituelle.
Ainsi l’homme est devenu dépendant
de toutes les innovations qu’il a adoptées et considère avec
horreur les conditions de vie de nos ancêtres. Il est fier d’avoir
inventé le temps libre alors qu’autrefois on disait que l’oisiveté
est mère de tous les vices.
L’homme a créé des
moyens de communiquer abstraits : langage, chiffres, des moyens de communiquer
à la frontière de l’abstrait et du concret : dessin, peintures,
images, croquis, plans, et enfin il a créé des objets, des
ustensiles, des outils lui permettant d’accroître sa puissance et
son mieux-être et c’est par l’exemple qu’il a enseigné comment
les fabriquer et les utiliser.
Contrairement à ce que croient
les intellectuels les productions de l’esprit n’ont joué qu’un faible
rôle dans l’évolution humaine. Ce sont les créations
concrètes qui ont profondément modifié notre environnement
matériel donc notre style de vie et par contrecoup notre patrimoine
génétique.
Modification du patrimoiné
génétique
Il peut paraître surprenant
que le style de vie modifie le patrimoine génétique. Cependant
si l’on considère que les Noirs africains recrutés pour travailler
dans les champs de coton des États-Unis ont été sélectionnés
pour leur vigueur, que l’on sait depuis longtemps qu’un homme gras est
peu doué pour une activité physique demandant endurance et
rapidité, il est tout a fait certain qu’aucun travailleur obèse
n’a été recruté. Or de nos jours, entre un quart et
un tiers des Américains, dont les Noirs, sont obèses. On
remarque des familles d’obèses ce qui fait dire qu’il existe un
phénomène d’hérédité.
Comment ces Noirs sont-ils devenus
génétiquement obèses si ce n’est en changeant de vie,
en passant des heures devant une télévision à grignoter
des amuse-gueules. Or ce sont les progrès technologiques qui ont
créé l’abondance alimentaire. Ils ont provoqué également
la disparition du travail physique fatigant et l’augmentation du temps
libre.
Nous sommes donc amenés à
penser qu’une modification du comportement pendant plusieurs générations
peut modifier notre patrimoine génétique, créer de
nouveaux besoins génétiquement transmissibles, changer notre
aspect physique.
A supposer que ni la maîtrise
du feu, ni les armes, ni les pièges n’aient été inventés
mais que seuls aient évolué le langage et la pensée,
l’être humain aurait continué à vivre dans des cavernes
ou dans quelque abri de fortune d’une manière qu’on appelle primitive.
C’est ceux que l’on appelle de nos
jours, et avec quelque condescendance des «manuels», ceux qui
préfèrent manier le concret, les choses et les gens et non
les intellectuels qui manient l’abstrait, les mots, les chiffres, les idées,
les symboles qui ont fait évoluer la société humaine
par leurs inventions.
Conclusion
Ainsi chaque individu possède
une personnalité qui va orienter sa vie, ses choix professionnels
ou sociaux. C’est son destin que nul ne peut modifier. Nous pouvons être
au mieux pour un enfant comme un bon jardinier qui apporte à la
plante exactement ce qu’elle demande. Elle ne peut assimiler autre chose
ni devenir une autre plante parce qu’on lui donne une autre nourriture.
Mais alors que le jardinier sait
exactement quelle plante correspond à la graine qu’il sème
et connaît par expérience ses besoins, l’éducateur
ignore le destin contenu dans le patrimoine génétique de
l’enfant et comment l’aider à s’accomplir. L’enfant lui-même
ignore quelle sera sa vie.
Parfois la personnalité est
très faible, ou met du temps à s’affirmer et dans ce cas
il est possible d’influencer son choix. Ou bien il sait ce qu’il veut et
nous ne pouvons que l’aider à réaliser son rêve.
De toutes façons apprendre
le savoir-vivre en société, c’est-à-dire les règles
de politesse et l’obéissance aux lois, est toujours nécessaire.
Mais il s’agit d’un comportement et non d’un savoir abstrait et un comportement
se forme par l’exemple, les récompenses et les punitions.
Maxime Laguerre
Aves-vous lu Maxime Laguerre
?
L'Ordre Naturel
Cliquez :
|