Les filières technologiques
L'Éducation nationale va
donc sélectionner les élèves ayant un bon Q.I. qui
accéderont facilement s'ils le désirent à la Fonction
publique ou préféreront une profession intellectuelle dans
le privé où l'efficacité, la qualité du travail
sont mieux récompensées.
Les autres, soit la majorité,
deviendront employé commercial ou administratif, O.S. en usine pour
faire toute sa vie des gestes répétitifs dans un environnement
(odeur, bruit) peu agréable, chauffeur routier, petit commerçant
ou artisan, employé dans la restauration, horticulteur, pépiniériste,
utilisé pour de petits boulots etc, etc ou chômeur !
Si on analyse l'activité
dans la profession ou dans la vie de tous les jours de toutes ces personnes
et que l'on se demande ce que leur a apporté la scolarité
obligatoire de 3 à 16 ans, on ne trouve presque rien en dehors de
savoir parler, lire, écrire et compter.
Mais, me dira-t-on, grâce
à cette scolarité obligatoire tous devraient posséder
cette culture générale qui permet à chaque adulte
de connaître la littérature française et étrangère,
l'histoire et la géographie de la France et de tous les pays du
monde, les mathématiques, la physique, la chimie, les religions,
les grands débats philosophiques, les sciences naturelles qu'on
appelle maintenant "Science et vie de la terre".
Pour savoir si cet objectif est
atteint, rien de plus facile qu'un contrôle de connaissances réalisé
auprès de mille jeunes de 20 ans choisis au hasard.
Ce contrôle, simple à
organiser, peu coûteux permettrait de connaître exactement
le bien-fondé de notre système éducatif. Mais le fera-t-on
? Probablement jamais car la plupart des professeurs sont sans illusion
sur son résultat.
Pourquoi des examens ?
Je sais qu'on prétend qu'il
reste toujours quelque chose d'un enseignement complètement oublié.
Vous pouvez ne plus savoir où se trouve la Bolivie, sa superficie,
sa capitale, sa population, sa langue, sa monnaie, ses productions, qu'importe,
dans votre inconscient ces connaissances subsistent et vous ont formé
l'esprit. Si cela est vrai, pourquoi des examens puisqu'on apprend seulement
pour se former l'esprit et non pour mémoriser durablement des connaissances
? L'examen ou le concours ne récompenserait-il que ceux qui mémorisent
un temps suffisant pour le réussir par rapport à ceux qui
oublient aussitôt ? D'ailleurs quelle relation entre une culture
mémorisée durablement et la réussite dans la vie ?
Le super-champion des jeux culturels américains en 1999 s'appelle
John Carpenter. Il a 51 ans et a gagné 6 millions de francs. C'est
un employé des impôts. En France, les jeux culturels se multiplient.
Dans "Questions pour un champion"
un des meilleurs candidats, fort joli garçon par ailleurs, était
gardien de prison.
L'élite de la nation
Les bons élèves se
croient sincèrement destinés à être l'élite
de la nation et ils ne peuvent avoir que mépris pour les mauvais
élèves. Cet âge est sans pitié ! Il n'en est
pas de même des professeurs qui croyant au dogme du pouvoir absolu
de l'éducation ne peuvent comprendre pourquoi tant d'enfants restent
fermés à leur enseignement. Les uns souffrent en silence,
humiliés jusqu'au plus profond d'eux-mêmes, les autres se
révoltent ne se sentant pas inférieurs aux bons élèves
mais différents, capables de faire beaucoup de choses ailleurs qu'à
l'école.
Refusant de parler d'inaptitude
innée les professeurs reconnaissent, sans l'expliquer que l'on doit
diriger certains enfants vers les filières technologiques. L'Éducation
nationale fait beaucoup pour les élèves en difficulté,
probablement plus que pour les bons élèves comme on fait
plus pour les handicapés que pour les êtres en bonne santé.
Les filières technologiques ne sont pas présentées
comme une option équivalente à celle de l'enseignement général
que l'on tente de donner à tous. Ce sont des pis-allers, parents
et enfants le ressentent ainsi.
L'orientation
Que dit à ce sujet M. Roger
Fauroux* ancien ministre : "L'orientation entretient dans les collèges
et les lycées un rapport presque exclusif avec l'échec scolaire."
On est orienté quand on ne
suit pas ou quand on suit mal. Les filières technologiques fonctionnent
plus comme des structures d'accueil d'élèves en difficulté
que comme une option valorisante répondant à un choix positif.
Ce choix positif presque inexistant
révèle l'autre grande carence du système éducatif
: trois fois sur quatre, la décision d'orientation n'est pas prise
par l'élève ou par sa famille, mais à l'encontre de
leurs voeux, sans leur participation, de façon autoritaire.
L'orientation apparaît comme
un processus subi, comme une démarche imposée par les uns
et suivie par les autres, résultat d'un ensemble de procédures
aveugles contre lesquelles on ne peut pas lutter."
M. Roger Fauroux a présidé
la "Commission de réflexion sur l'école". Il sait donc de
quoi il parle.
On en arrive à cette conclusion,
plutôt effarante, que la direction de l'Éducation nationale
qui organise à l'école des cours de civisme centrés
sur la "Déclaration universelle des droits de l'homme", viole en
même temps et outrageusement le paragraphe 3 de l'article 26 de cette
même déclaration. Celui-ci précise que : "Les parents
ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation
à donner à leurs enfants."
Stradivarius
J'imagine l'enfant Stradivarius
de nos jours. En dehors de sa main géniale, de son oreille géniale,
de son don de communier avec le bois, il avait aussi un bon Q.I. Pris en
charge à 3 ans par l'Éducation nationale celle-ci aurait
dissuadé ses parents de choisir une filière technologique
tout à fait indigne de lui et ceci malgré son goût
et son talent pour fabriquer des maquettes en bois. Il méritait
de devenir fonctionnaire, ce qui devrait combler de joie ses parents tellement
la sécurité de l'emploi est appréciée à
notre époque.
Despotisme d'État
Il est des pays qui se sont libérés
du despotisme d'une éducation d'état. Les Pays-Bas, par exemple,
dont la prospérité, le très faible taux de chômage,
l'efficacité de ses entreprises sont exemplaires, a renoncé
à une éducation nationale pour ne faire que des écoles
privées équitablement subventionnées par l'État.
La doctrine de toutes ces écoles est la suivante : "L'école
est là pour accompagner les parents dans leur devoir d'éducation."
Accompagner, aider, conseiller, pas décider à leur place.
La stupidité des examens
et des concours
Ce pis-aller que sont les filières
technologiques offre-t-il aux enfants en échec scolaire une vraie
formation comme il en existait autrefois ?
Si vous preniez connaissance des
programmes de toutes nos écoles professionnelles, vous seriez étonné
de la masse de connaissances théoriques demandées. Elles
sont pourtant en grande partie superflues.
On peut être un excellent
forestier, savoir reconnaître toutes les essences d'arbres qui poussent
lors d'une régénération naturelle, savoir celles qu'il
faut éliminer, reconnaître la bonne santé d'un arbre
ou diagnostiquer ce qui le fait dépérir et par contre ignorer
comment la sève monte jusqu'en haut des arbres, ne pas savoir qu'elle
assure la circulation des métabolites et que de sève brute
elle se transforme en sève élaborée grâce à
la photosynthèse. Toutes ces connaissances fort intéressantes
pour certains esprits ne doivent pas masquer le savoir concret nécessaire
et suffisant pour être un bon forestier. Donner un diplôme
professionnel grâce à des connaissances théoriques
est un non sens.
J'ai connu un garçon, fils
de vétérinaire, aimant la nature, la chasse, la pêche,
de bonne santé, ayant grandi dans l'ambiance du métier de
son père et qui voulut devenir lui-même vétérinaire.
Malheureusement il échoua au concours d'entrée à Maisons-Alfort
pour une mauvaise note en mathématiques. Je me suis toujours demandé
quel rapport existait entre le métier de vétérinaire
et les mathématiques.
Par la suite il devint directeur
technique d'une entreprise industrielle assez importante. Cela prouve la
stupidité des examens et concours élaborés par l'Éducation
nationale.
La réaction de Jacques Dupaquier
Je comprends très bien la
réaction de Jacques Dupaquier à la lecture de ma première
édition. Il m'écrit : "Il me semble que vous allez un peu
loin dans le sens du “tout inné”. En poussant cette contre-thèse
jusqu'au bout, on pourrait contester les vertus de l'apprentissage." Il
est vrai qu'en disant que les jumeaux séparés à la
naissance acquéraient la même culture, on pourrait en déduire
que toute aide éducative devient inutile.
Le destin d'une graine de petit
pois
Si l'on réfléchit
au destin d'une graine de petit pois, on constate que tous ses acquis sont
programmés dans son patrimoine génétique. Cela n'empêche
pas qu'un bon jardinier profitant des études sur les besoins des
petit pois et les offrant exactement à la plante obtiendra son développement
optimum. Par contre s'il impose une terre, un climat, des engrais que lui
juge excellents parce que cela a réussi pour d'autres variétés
de plantes potagères et ceci sans analyser les besoins spécifiques
et innés du petit pois, il ira à un échec.
Un exemple à nuancer
Il en est de même pour les
enfants. Chacun d'eux a ses besoins et donner à tous, autoritairement
les nourritures intellectuelles qui conviennent à quelques-uns,
c'est obtenir de bons résultats seulement avec cette minorité
qui est de la même famille d'esprit que le professeur. Les autres
auront des résultats variables pouvant aller jusqu'à l'échec
complet.
Certes, j'ai expliqué que
les enfants qui n'obtiennent pas à l'école ce qui permet
leur épanouissement le recherchent ailleurs avec plus ou moins de
difficultés. Comparaison n'est pas raison et l'exemple du petit
pois doit être nuancé. La différence entre les plantes
et les animaux est que ceux-ci sont mobiles. Une graine qui ne trouve pas
là où elle tombe les conditions optima à son développement,
ou meurt, ou se développe mal. L'animal dans la même situation
se déplace parfois de centaines de kilomètres pour trouver
des conditions satisfaisantes pour assurer son développement.
Dans la nature s'il existe de très
grandes différences de développement entre des plantes ou
des arbres d'une même espèce, entre les animaux il n'en est
pas
de même.
Une même famille d'esprit
Si un de nos deux jumeaux se trouvait
par hasard élevé au milieu d'une peuplade primitive dont
il ne pourrait s'évader, il est bien certain qu'à 30 ans
il n'aurait pas la même culture que son frère élevé
dans un pays très développé. Sa personnalité
n'en serait toutefois pas modifiée, mais son destin potentiel, virtuel,
ne pourrait se réaliser. L'enseignement principal à tirer
de l'étude des vrais jumeaux c'est qu'ils ont toujours le même
patrimoine génétique, de parfaites affinités et appartiennent
à la même famille d'esprit.
On comprend mieux le rôle
de la société et des éducateurs : ils doivent aider
les enfants à prendre conscience de leurs possibilités et
les aider à les réaliser. Lorsque l'enfant s'aperçoit
qu'en définitive il a choisi lui-même ce qu'il veut faire,
il travaillera infiniment mieux que si on lui impose d'apprendre un savoir
qui l'ennuie.
Après il faut que ses enseignants,
ses éducateurs soient choisis dans la profession qu'il veut embrasser
afin d'être de la même famille d'esprit que lui. La compréhension
réciproque sera aussi bonne que possible, approchant celle existant
entre deux vrais jumeaux.
Des Prix Nobel attribués
à des artisans
Enfin il faut que travail "manuel"
et travail intellectuel soient mis sur le même plan, qu'il y ait
par exemple autant de prix Nobel attribués à des artisans
réalisant des chefs-d'oeuvre, ou à de grands inventeurs comme
le fut Edison qu'à des chercheurs professeurs d'université.
Certains me disent : vos critiques
de l'école laïque et obligatoire ne sont pas justifiées.
La preuve c'est que les sondages montrent que la majorité des parents
en sont satisfaits.
De tels sondages sont trompeurs
car on ne demande pas aux familles si elles préfèrent une
école d'État laïque et obligatoire à de multiples
écoles privées également gratuites comme aux Pays-Bas.
Quels sont les côtés positifs de l'école actuelle pour
les parents ? D'abord et surtout, c'est une immense garderie dont la plupart
des parents, avec l'organisation actuelle de la société,
notamment le travail des femmes, ne peut se passer. En outre, les professeurs
sont dans l'ensemble sympathiques. Enfin, les parents ont la conviction
que les diplômes donnent une meilleure chance de trouver un emploi.
Les enquêtes auprès des employeurs leur donnent raison.
Une hiérarchie selon le QI
J'ai montré que les études
dans leur forme actuelle ont un double but : d'abord sélectionner,
hiérarchiser d'après le Q.I., ensuite donner une culture
générale. Un bon Q.I. indique des aptitudes à être
un bon exécutant. Alors que la France d'autrefois n'était
faite que de décideurs libres et responsables de leurs actes, de
plus en plus de nos jours le nombre des emplois demandant l'exécution
d'un travail intellectuel ou manuel suivant de strictes directives
ne cesse de s'accroître.
Les employeurs n'utilisent donc,
pour certains recrutements de salariés que le côté
sélectif par le Q.I. des diplômes. Ils ne s'intéressent
pas à l'important savoir appris et oublié par les candidats,
leur formation professionnelle, généralement simple, étant
faite dans l'entreprise.
C'est donc abusivement que l'Éducation
nationale se dit confortée dans son système de formation
par les sondages.
Terminons ce résumé
des principales thèses exposées dans cet ouvrage par une
nouvelle amusante.
Le professeur de M. Jourdain
Le professeur de français
de M. Jourdain, le bourgeois-gentilhomme de Molière, lui apprend
comment utiliser sa langue, ses lèvres, ses dents pour dire A, E,
I, O, U, ce qu'il avait appris d'instinct en imitant ses parents. Molière
n'a pas osé faire apprendre à M. Jourdain par un professeur
comment reconnaître le salé, le sucré, l'amer, l'acide.
On aurait dit qu'il forçait un peu la satire et il a laissé
l'idée de cette leçon hilarante à notre nouveau ministre
de l'Éducation.
Maxime Laguerre
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