Maxime Laguerre
Un autre regard sur l'Education  6
 


Les filières technologiques

L'Éducation nationale va donc sélectionner les élèves ayant un bon Q.I. qui accéderont facilement s'ils le désirent à la Fonction publique ou préféreront une profession intellectuelle dans le privé où l'efficacité, la qualité du travail sont mieux récompensées.
Les autres, soit la majorité, deviendront employé commercial ou administratif, O.S. en usine pour faire toute sa vie des gestes répétitifs dans un environnement (odeur, bruit) peu agréable, chauffeur routier, petit commerçant ou artisan, employé dans la restauration, horticulteur, pépiniériste, utilisé pour de petits boulots etc, etc ou chômeur !
Si on analyse l'activité dans la profession ou dans la vie de tous les jours de toutes ces personnes et que l'on se demande ce que leur a apporté la scolarité obligatoire de 3 à 16 ans, on ne trouve presque rien en dehors de savoir parler, lire, écrire et compter.
Mais, me dira-t-on, grâce à cette scolarité obligatoire tous devraient posséder cette culture générale qui permet à chaque adulte de connaître la littérature française et étrangère, l'histoire et la géographie de la France et de tous les pays du monde, les mathématiques, la physique, la chimie, les religions, les grands débats philosophiques, les sciences naturelles qu'on appelle maintenant "Science et vie de la terre".
Pour savoir si cet objectif est atteint, rien de plus facile qu'un contrôle de connaissances réalisé auprès de mille jeunes de 20 ans choisis au hasard.
Ce contrôle, simple à organiser, peu coûteux permettrait de connaître exactement le bien-fondé de notre système éducatif. Mais le fera-t-on ? Probablement jamais car la plupart des professeurs sont sans illusion sur son résultat.

Pourquoi des examens ?

Je sais qu'on prétend qu'il reste toujours quelque chose d'un enseignement complètement oublié. Vous pouvez ne plus savoir où se trouve la Bolivie, sa superficie, sa capitale, sa population, sa langue, sa monnaie, ses productions, qu'importe, dans votre inconscient ces connaissances subsistent et vous ont formé l'esprit. Si cela est vrai, pourquoi des examens puisqu'on apprend seulement pour se former l'esprit et non pour mémoriser durablement des connaissances ? L'examen ou le concours ne récompenserait-il que ceux qui mémorisent un temps suffisant pour le réussir par rapport à ceux qui oublient aussitôt ? D'ailleurs quelle relation entre une culture mémorisée durablement et la réussite dans la vie ? Le super-champion des jeux culturels américains en 1999 s'appelle John Carpenter. Il a 51 ans et a gagné 6 millions de francs. C'est un employé des impôts. En France, les jeux culturels se multiplient.
Dans "Questions pour un champion" un des meilleurs candidats, fort joli garçon par ailleurs, était gardien de prison.

L'élite de la nation

Les bons élèves se croient sincèrement destinés à être l'élite de la nation et ils ne peuvent avoir que mépris pour les mauvais élèves. Cet âge est sans pitié ! Il n'en est pas de même des professeurs qui croyant au dogme du pouvoir absolu de l'éducation ne peuvent comprendre pourquoi tant d'enfants restent fermés à leur enseignement. Les uns souffrent en silence, humiliés jusqu'au plus profond d'eux-mêmes, les autres se révoltent ne se sentant pas inférieurs aux bons élèves mais différents, capables de faire beaucoup de choses ailleurs qu'à l'école.
Refusant de parler d'inaptitude innée les professeurs reconnaissent, sans l'expliquer que l'on doit diriger certains enfants vers les filières technologiques. L'Éducation nationale fait beaucoup pour les élèves en difficulté, probablement plus que pour les bons élèves comme on fait plus pour les handicapés que pour les êtres en bonne santé. Les filières technologiques ne sont pas présentées comme une option équivalente à celle de l'enseignement général que l'on tente de donner à tous. Ce sont des pis-allers, parents et enfants le ressentent ainsi.

L'orientation

Que dit à ce sujet M. Roger Fauroux* ancien ministre : "L'orientation entretient dans les collèges et les lycées un rapport presque exclusif avec l'échec scolaire."
On est orienté quand on ne suit pas ou quand on suit mal. Les filières technologiques fonctionnent plus comme des structures d'accueil d'élèves en difficulté que comme une option valorisante répondant à un choix positif.
Ce choix positif presque inexistant révèle l'autre grande carence du système éducatif : trois fois sur quatre, la décision d'orientation n'est pas prise par l'élève ou par sa famille, mais à l'encontre de leurs voeux, sans leur participation, de façon autoritaire.
L'orientation apparaît comme un processus subi, comme une démarche imposée par les uns et suivie par les autres, résultat d'un ensemble de procédures aveugles contre lesquelles on ne peut pas lutter."
M. Roger Fauroux a présidé la "Commission de réflexion sur l'école". Il sait donc de quoi il parle.
On en arrive à cette conclusion, plutôt effarante, que la direction de l'Éducation nationale qui organise à l'école des cours de civisme centrés sur la "Déclaration universelle des droits de l'homme", viole en même temps et outrageusement le paragraphe 3 de l'article 26 de cette même déclaration. Celui-ci précise que : "Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants."

Stradivarius

J'imagine l'enfant Stradivarius de nos jours. En dehors de sa main géniale, de son oreille géniale, de son don de communier avec le bois, il avait aussi un bon Q.I. Pris en charge à 3 ans par l'Éducation nationale celle-ci aurait dissuadé ses parents de choisir une filière technologique tout à fait indigne de lui et ceci malgré son goût et son talent pour fabriquer des maquettes en bois. Il méritait de devenir fonctionnaire, ce qui devrait combler de joie ses parents tellement la sécurité de l'emploi est appréciée à notre époque.

Despotisme d'État

Il est des pays qui se sont libérés du despotisme d'une éducation d'état. Les Pays-Bas, par exemple, dont la prospérité, le très faible taux de chômage, l'efficacité de ses entreprises sont exemplaires, a renoncé à une éducation nationale pour ne faire que des écoles privées équitablement subventionnées par l'État. La doctrine de toutes ces écoles est la suivante : "L'école est là pour accompagner les parents dans leur devoir d'éducation." Accompagner, aider, conseiller, pas décider à leur place.

La stupidité des examens et des concours

Ce pis-aller que sont les filières technologiques offre-t-il aux enfants en échec scolaire une vraie formation comme il en existait autrefois ?
Si vous preniez connaissance des programmes de toutes nos écoles professionnelles, vous seriez étonné de la masse de connaissances théoriques demandées. Elles sont pourtant en grande partie superflues.
On peut être un excellent forestier, savoir reconnaître toutes les essences d'arbres qui poussent lors d'une régénération naturelle, savoir celles qu'il faut éliminer, reconnaître la bonne santé d'un arbre ou diagnostiquer ce qui le fait dépérir et par contre ignorer comment la sève monte jusqu'en haut des arbres, ne pas savoir qu'elle assure la circulation des métabolites et que de sève brute elle se transforme en sève élaborée grâce à la photosynthèse. Toutes ces connaissances fort intéressantes pour certains esprits ne doivent pas masquer le savoir concret nécessaire et suffisant pour être un bon forestier. Donner un diplôme professionnel grâce à des connaissances théoriques est un non sens.
J'ai connu un garçon, fils de vétérinaire, aimant la nature, la chasse, la pêche, de bonne santé, ayant grandi dans l'ambiance du métier de son père et qui voulut devenir lui-même vétérinaire. Malheureusement il échoua au concours d'entrée à Maisons-Alfort pour une mauvaise note en mathématiques. Je me suis toujours demandé quel rapport existait entre le métier de vétérinaire et les mathématiques.
Par la suite il devint directeur technique d'une entreprise industrielle assez importante. Cela prouve la stupidité des examens et concours élaborés par l'Éducation nationale.

La réaction de Jacques Dupaquier

Je comprends très bien la réaction de Jacques Dupaquier à la lecture de ma première édition. Il m'écrit : "Il me semble que vous allez un peu loin dans le sens du “tout inné”. En poussant cette contre-thèse jusqu'au bout, on pourrait contester les vertus de l'apprentissage." Il est vrai qu'en disant que les jumeaux séparés à la naissance acquéraient la même culture, on pourrait en déduire que toute aide éducative devient inutile.

Le destin d'une graine de petit pois

Si l'on réfléchit au destin d'une graine de petit pois, on constate que tous ses acquis sont programmés dans son patrimoine génétique. Cela n'empêche pas qu'un bon jardinier profitant des études sur les besoins des petit pois et les offrant exactement à la plante obtiendra son développement optimum. Par contre s'il impose une terre, un climat, des engrais que lui juge excellents parce que cela a réussi pour d'autres variétés de plantes potagères et ceci sans analyser les besoins spécifiques et innés du petit pois, il ira à un échec.

Un exemple à nuancer

Il en est de même pour les enfants. Chacun d'eux a ses besoins et donner à tous, autoritairement les nourritures intellectuelles qui conviennent à quelques-uns, c'est obtenir de bons résultats seulement avec cette minorité qui est de la même famille d'esprit que le professeur. Les autres auront des résultats variables pouvant aller jusqu'à l'échec complet.
Certes, j'ai expliqué que les enfants qui n'obtiennent pas à l'école ce qui permet leur épanouissement le recherchent ailleurs avec plus ou moins de difficultés. Comparaison n'est pas raison et l'exemple du petit pois doit être nuancé. La différence entre les plantes et les animaux est que ceux-ci sont mobiles. Une graine qui ne trouve pas là où elle tombe les conditions optima à son développement, ou meurt, ou se développe mal. L'animal dans la même situation se déplace parfois de centaines de kilomètres pour trouver des conditions satisfaisantes pour assurer son développement. 
Dans la nature s'il existe de très grandes différences de développement entre des plantes ou des arbres d'une même espèce, entre les animaux il n'en est pas de même.

Une même famille d'esprit

Si un de nos deux jumeaux se trouvait par hasard élevé au milieu d'une peuplade primitive dont il ne pourrait s'évader, il est bien certain qu'à 30 ans il n'aurait pas la même culture que son frère élevé dans un pays très développé. Sa personnalité n'en serait toutefois pas modifiée, mais son destin potentiel, virtuel, ne pourrait se réaliser. L'enseignement principal à tirer de l'étude des vrais jumeaux c'est qu'ils ont toujours le même patrimoine génétique, de parfaites affinités et appartiennent à la même famille d'esprit.
On comprend mieux le rôle de la société et des éducateurs : ils doivent aider les enfants à prendre conscience de leurs possibilités et les aider à les réaliser. Lorsque l'enfant s'aperçoit qu'en définitive il a choisi lui-même ce qu'il veut faire, il travaillera infiniment mieux que si on lui impose d'apprendre un savoir qui l'ennuie.
Après il faut que ses enseignants, ses éducateurs soient choisis dans la profession qu'il veut embrasser afin d'être de la même famille d'esprit que lui. La compréhension réciproque sera aussi bonne que possible, approchant celle existant entre deux vrais jumeaux.

Des Prix Nobel attribués à des artisans

Enfin il faut que travail "manuel" et travail intellectuel soient mis sur le même plan, qu'il y ait par exemple autant de prix Nobel attribués à des artisans réalisant des chefs-d'oeuvre, ou à de grands inventeurs comme le fut Edison qu'à des chercheurs professeurs d'université.
Certains me disent : vos critiques de l'école laïque et obligatoire ne sont pas justifiées. La preuve c'est que les sondages montrent que la majorité des parents en sont satisfaits.
De tels sondages sont trompeurs car on ne demande pas aux familles si elles préfèrent une école d'État laïque et obligatoire à de multiples écoles privées également gratuites comme aux Pays-Bas. Quels sont les côtés positifs de l'école actuelle pour les parents ? D'abord et surtout, c'est une immense garderie dont la plupart des parents, avec l'organisation actuelle de la société, notamment le travail des femmes, ne peut se passer. En outre, les professeurs sont dans l'ensemble sympathiques. Enfin, les parents ont la conviction que les diplômes donnent une meilleure chance de trouver un emploi. Les enquêtes auprès des employeurs leur donnent raison.

Une hiérarchie selon le QI

J'ai montré que les études dans leur forme actuelle ont un double but : d'abord sélectionner, hiérarchiser d'après le Q.I., ensuite donner une culture générale. Un bon Q.I. indique des aptitudes à être un bon exécutant. Alors que la France d'autrefois n'était faite que de décideurs libres et responsables de leurs actes, de plus en plus de nos jours le nombre des emplois demandant l'exécution d'un travail intellectuel ou manuel suivant de strictes directives  ne cesse de s'accroître.
Les employeurs n'utilisent donc, pour certains recrutements de salariés que le côté sélectif par le Q.I. des diplômes. Ils ne s'intéressent pas à l'important savoir appris et oublié par les candidats, leur formation professionnelle, généralement simple, étant faite dans l'entreprise.
C'est donc abusivement que l'Éducation nationale se dit confortée dans son système de formation par les sondages.

Terminons ce résumé des principales thèses exposées dans cet ouvrage par une nouvelle amusante.

Le professeur de M. Jourdain

Le professeur de français de M. Jourdain, le bourgeois-gentilhomme de Molière, lui apprend comment utiliser sa langue, ses lèvres, ses dents pour dire A, E, I, O, U, ce qu'il avait appris d'instinct en imitant ses parents. Molière n'a pas osé faire apprendre à M. Jourdain par un professeur comment reconnaître le salé, le sucré, l'amer, l'acide. On aurait dit qu'il forçait un peu la satire et il a laissé l'idée de cette leçon hilarante à notre nouveau ministre de l'Éducation.
 

Maxime Laguerre

Vous souhaitez acquérir cet ouvrage ?

Vous souhaitez acheter ce livre :

 
Commandez-le à votre libraire habituel
ou bien adressez un chèque bancaire ou un mandat postal de 79 F aux
Editions EMS Corlet SA 14110 Condé sur Noireau
Avez-vous lu Maxime Laguerre ?

L'Ordre Naturel

Cliquez :


Page d'accueil  Chapitre 7 : Le Diplôme   Mes liens     E-mail