Le Diplôme
Définition ancienne :
"Pièce officielle établissant un
droit, un privilège."
Si de nos jours cette définition
est toujours vraie, la manière d'obtenir un diplôme a changé.
Ce n'est plus comme autrefois où le pouvoir monarchique les distribuait
à ceux qui avaient rendu service à la nation. De nos jours
on l'obtient en réussissant différentes épreuves intellectuelles.
Celles-ci mesurent à la fois le Q.I. et la mémorisation d'un
savoir plus ou moins utile professionnellement.
Jusqu'au XVIIIe siècle, la
population française se répartissait en trois états
: le tiers état constitué des paysans et des artisans, la
noblesse qui assurait la défense et la protection d'un territoire
et le clergé qui tenait l'état civil et contrôlait
les moeurs.
Le tiers état produisait
tous les biens de consommation destinés à l'ensemble de la
population. Paysans et artisans étaient formés par l'apprentissage
dont deux proverbes fixaient les principes :
"C'est en forgeant qu'on devient
forgeron."
"C'est au pied du mur qu'on juge
le maçon."
Le premier proverbe explique clairement
que c'est en pratiquant un métier guidé par ceux qui le connaissent
parfaitement que l'on devient l'égal de ses maîtres.
Le second proverbe indique que l'on
ne juge pas des qualités professionnelles sur les connaissances
théoriques d'une personne mais sur son efficacité pratique.
La notion de diplôme précédant l'activité professionnelle
n'existait pas dans l'immense majorité de la population, celle qui
produisait tous les biens de consommation nécessaires à la
vie de la nation.
On voyait déjà poindre
sous l'Ancien Régime dans les deux classes non manuelles, la noblesse
et le clergé, ce désir de bénéficier d'avantages
particuliers appelés privilèges distribués à
cette époque par le pouvoir royal ou le pouvoir religieux.
La noblesse qui possédait
dans l'ensemble des qualités spécifiques à sa fonction
était une sorte de caste croyant à la transmission héréditaire
du caractère (personnalité). C'est donc de naissance qu'on
obtenait le titre et les droits et devoirs qui y étaient attachés.
Seule la religion pratiquait un
recrutement de ses membres sur examen permettant de juger de leur intelligence,
de leurs connaissances religieuses, de leur caractère et de leur
foi.
Le clergé formait la seule
classe dans laquelle les qualités intellectuelles avaient une grande
importance.
Entrer dans la fonction publique
De nos jours, certains diplômes
ou la réussite à certains concours permettent d'entrer dans
la Fonction publique et de bénéficier de différents
privilèges.
Ces avantages particuliers sont
entre autres la garantie de l'emploi jusqu'à la retraite, un plan
de carrière minimum assurant une promotion automatique, une retraite
bien mieux calculée que dans le privé et prise plus jeune
que pour des fonctions similaires hors service public, possibilité
de se mettre en disponibilité et de revenir prendre sa place quand
bon vous semble (avantage inappréciable qui permet pratiquement
aux seuls fonctionnaires de se présenter aux élections sans
porter atteinte à leur carrière professionnelle), meilleur
remboursement des soins, assurances moins chères, calcul très
avantageux de la retraite, accès à une centrale d'achats
réservée à la Fonction publique. Il faut ajouter certains
avantages spécifiques à chaque corporation (électricité
presque gratuite pour les salariés de l'E.D.F., voyages gratuits
pour ceux de la S.N.C.F., etc.).
Une enquête du Nouvel Observateur
Le plus grand magazine de gauche,
le Nouvel Observateur qui est très bien fait et assez objectif a
fait une grande enquête en septembre 1999 sur le temps de travail
réel et les rémunérations des Français. Pour
tous les enseignants il a enregistré les déclarations de
ceux-ci sur leur temps passé à préparer des cours,
à corriger des copies d'examen, et à enseigner.
Il est tout à fait certain
que le Nouvel Observateur a beaucoup d'abonnés appartenant à
la Fonction publique et bien peu parmi les épiciers ou les petits
agriculteurs. De ce fait si cette étude a pu être légèrement
tendancieuse, ce ne peut être que pour plaire aux fonctionnaires.
Or, nous voyons qu'un boulanger-pâtissier
travaille 3 080 heures par an et un professeur certifié du secondaire
1 060 heures. Trois fois moins ! Est-ce que le métier de professeur
est beaucoup plus pénible et fatigant que celui de boulanger-pâtissier
qui se lève au milieu de la nuit pour commencer à pétrir
et à cuire le pain ?
Si notre boulanger est malade et
doit interrompre son travail, c'est une vraie catastrophe. Pas de travail,
pas de profits. Par contre, notre professeur à la moindre fatigue
peut s'arrêter : il continue à être payé. En
outre le professeur prendra sa retraite dix ans plus tôt que le boulanger.
Il aurait été intéressant de donner le nombre de jours
d'absences pour maladie des professeurs et des boulangers. Cela aurait
réservé quelques surprises.
Cette étude nous montre qu'un
petit agriculteur chef d'exploitation gagne 29 F de l'heure alors que le
professeur 169 F. Est-ce à dire que la gestion d'une petite ferme
est plus facile et moins pénible que le travail du professeur ?
Lorsqu'on a du bétail, pas question de s'arrêter pour maladie
ou vacances annuelles.
Ces trois professions nécessitent
des qualités spécifiques et si, ni le boulanger, ni l'agriculteur
ne peuvent devenir professeur l'inverse est également vrai.
On peut remarquer également
que ni la durée de travail annuelle ni l'âge de la retraite
ne sont liés à la pénibilité du travail. Il
est même très fréquent que l'âge de la retraite
soit avancé dans les professions les moins fatigantes.
Une telle étude, très
passionnante aurait dû être faite par un ministre du Travail
et non par un hebdomadaire à ses frais. Mais en fait, elle n'intéresse
nullement les partis politiques, la Chambre des députés étant
dans sa majorité une annexe de la Fonction publique. C'est donc
par son intermédiaire que la Fonction publique a voté ou
approuvé la multitude de privilèges dont elle bénéficie.
Tout cela a été fait dans la plus grande discrétion
afin que les électeurs du privé ne s'en offusquent pas.
Privilèges de la Fonction
publique
N'allez pas dire aux membres de
la Fonction publique qu'ils bénéficient de privilèges,
mot banni entre tous. Ce sont des droits acquis, obtenus à la suite
de luttes glorieuses et un droit acquis, c'est sacré. Le combattre
est sacrilège.
Notre ministre de l'Éducation
peut réformer les programmes tant qu'il veut mais il sait parfaitement
que tenter de diminuer d'une manière infime un droit acquis devenu
totalement sans fondement déclencherait la révolution. D'ailleurs
lui-même a toujours été fonctionnaire et son Premier
ministre l'a été également. Il est toujours malvenu
de cracher dans la soupe qu'on trouvait fort bonne lorsqu'elle vous nourrissait.
Le système est si bien verrouillé que seule une révolution
pourrait provoquer l'abolition des privilèges.
Finalement, lorsqu'on analyse le
travail réalisé par les fonctionnaires, on ne trouve pas
de différence fondamentale avec celui effectué par les salariés
du privé. Dès lors, pourquoi avoir un système de recrutement
complètement différent ne tenant compte que d'un diplôme
ou de la réussite à un concours ? Les entreprises privées
tiennent compte des diplômes ou mieux de l'expérience professionnelle,
elles posent mille questions, se renseignent auprès des références
du candidat et de toutes façons ne l'embauchent qu'à l'essai.
La garantie de l'emploi n'est jamais accordée.
Toutes les entreprises privées
considèrent que l'utilisation du système de recrutement et
l'adoption des privilèges de la Fonction publique les mèneraient
à leur perte.
N'est-ce pas une question de justice
sociale et une garantie d'efficacité que de réclamer l'application
à la Fonction publique des mêmes conditions de travail que
dans les entreprises privées, c'est-à-dire recrutement en
tenant compte d'un ensemble de qualités assurant la bonne adaptation
à l'emploi. C'est-à-dire non-garantie de l'emploi, promotion
non automatique mais suivant les résultats obtenus, temps de travail,
âge de la retraite et sommes versées équivalents. Bref,
abolition de tous les privilèges qui sont à la fois socialement
injustes et cause de la faible efficacité de la Fonction publique.
Nous avons vu par quel système
pervers ces privilèges ont été obtenus mais si l'on
demande à un fonctionnaire de justifier leur équité,
il se trouve bien embarrassé sauf à dire qu'un diplôme
mérite une rente de situation. Dans les P.M.E., il y a très
peu de diplômés, la promotion s'étant faite sur le
terrain. Le fonctionnaire a dans l'idée que toutes ses années
d'études sanctionnées par un diplôme méritent
un traitement à part, justifient ses privilèges.
La pêche à la ligne
Tentons d'étudier le principe
du diplôme en prenant un exemple concret.
M. X qui habite maintenant à
la campagne a envie de pêcher à la ligne. Il s'inscrit à
une école de pêche privée et apprend la théorie
et la pratique de la pêche à la ligne. Naturellement, dans
cette école on ne donne pas de diplôme. On donne seulement
des connaissances utiles pour pêcher à la ligne, les enseignés
ne demandant pas autre chose.
On pourrait imaginer une école
de pêche d'État enseignant tout sur la biologie des poissons,
sur les plantes et insectes vivant dans l'eau, sur les différentes
cannes à pêche, lignes, moulinets, hameçons, flotteurs
et ceci sans cours pratique. Le diplôme donnerait le droit de pêche.
Ainsi les plus doués pour mémoriser cet enseignement obtiendraient
ce diplôme et auraient seuls le privilège de pouvoir pêcher.
On voit par cet exemple qu'un enseignement
dont le but est de rendre plus efficace dans l'exercice d'une profession,
mais ne donnant aucun droit car sans obtention d'un diplôme, est
fort différent d'un enseignement dont le contenu est secondaire
mais le diplôme qui constate sa mémorisation à un moment
donné procure des droits très importants.
Effet pervers du diplôme
Si on supprimait non pas l'enseignement
mais les diplômes, les élèves, les étudiants
sauraient qu'ils apprennent pour leur bien, pour enrichir leur personnalité,
pour mieux se préparer à leur vie professionnelle, afin que
leur vie d'adulte soit meilleure et non pour obtenir un droit à
des privilèges. Tout l'état d'esprit des études serait
changé et les élèves, les étudiants seraient
plus exigeants sur l'utilité de ce qu'on leur enseigne. Ils sauraient
que les seuls juges de leur valeur seraient leurs futurs employeurs et
non des professeurs lors d'un examen ou d'un concours. Ils seront jugés
sur ce qu'ils font et non sur leurs titres.
Le diplôme a un effet pervers
non seulement quand il permet d'accéder à la Fonction publique
mais également dans les grandes entreprises où il existe
une solidarité entre ceux qui sortent de la même grande école.
Conclusion. Dans un pays qui se
flatte d'être à la pointe du progrès social et dont
les enseignants répètent inlassablement aux enfants qu'en
1789 la Révolution a aboli définitivement les privilèges,
il serait temps de faire une remise à plat des conditions de travail
de tous les citoyens.
Le monde bouge, les conditions de
travail changent du tout au tout pour un même emploi. Quel rapport
entre conduire une locomotive à vapeur par tous les temps et une
motrice électrique automatisée où le conducteur est
confortablement assis dans une cabine climatisée ? Accorder le même
âge de retraite aux deux sous prétexte de maintien des droits
acquis n'est pas normal. Accepter qu'un couvreur qui passe sa vie professionnelle
sur les toits dans une position inconfortable, pénible, dangereuse
par tous les temps prenne sa retraite à 60 ans, alors qu'un conducteur
de trains ou un chef de gare la prend à 55 ans est une intolérable
injustice sociale.
Revenir à l'enseignement
d'autrefois
Les hommes politiques qui ne feraient
rien pour obtenir le réexamen des privilèges appelés
droits acquis ne pourraient plus prétendre défendre les "Droits
de l'homme".
Enfin dans l'enseignement il
faudrait revenir aux anciens principes. Autrefois un philosophe expliquait
ses idées à ses disciples mais ne leur donnait aucun diplôme.
Un grand peintre avait ses élèves mais ne leur donnait aucun
diplôme. Un menuisier avait ses apprentis mais ne leur donnait aucun
diplôme.
Apprendre pour être plus fort
et non pour obtenir un titre qui flatte la vanité et procure des
droits particuliers.
Maxime Laguerre
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