Maxime Laguerre

LES MIRAGES DU PROGRÈS
24 - Triomphe de la Médecine
 

TRIOMPHE DE LA MÉDECINE

S'il est un domaine où le Progrès est unanimement considéré comme un «changement en mieux», c'est bien celui de la médecine.
L'argument choc, et qui semble incontestable, est celui de l'augmentation régulière de la durée de vie. De 35 ans il y a un ou deux siècles, elle est passée à 72 ans pour les hommes et à 79 ans pour les femmes. Merci à la médecine !
Cependant cette notion de durée de vie est assez ambiguë. Il semble qu'il existe deux manières de la calculer.

Durée de vie chez les animaux

La perpétuation du patrimoine genétique de chaque individu étant sa suprême et unique mission, dès qu'un animal a perdu le pouvoir de se reproduire et éventuellement d'élever ses petits, il perd en même temps ses défenses naturelles et sa pleine capacité pour se nourrir. Il ne peut pas survivre.
Sauf mort accidentelle (famine ou agression) sa durée de vie est inscrite dans ses gènes. On dira par exemple que tel passereau peut vivre 14 ans. Après cet âge, sa mort est programmée.

Durée de vie dans l'espèce humaine

Par suite du nombre considérable de métissages ethniques, il existe une grande variété de programmes génétiques dans l'espèce humaine. Chez les vrais jumeaux les programmes génétiques du vieillissement sont identiques.
Pour chaque individu la durée de vie programmée est inconnue et chacun tente de la calculer d'après l'âge où ses ancêtres sont décédés. C'est implicitement une reconnaissance du facteur génétique.
La diversité des programmes de vieillissement a incité à calculer la durée de vie des êtres humains par la moyenne de l'âge de leur mort.
Si, sur deux individus qui naissent, l'un meurt à 4 ans et l'autre à 90 ans, la durée de vie moyenne est de 42 ans.
C'est ainsi que pour nos ancêtres acceptant de vivre selon un ordre paranaturel, la fécondité 'était considérable et la mortalité infantile en rapport. La moyenne de durée de vie 'était donc très basse, peut-être 30 ans !

Programme génétique

Mais nous savons qu'une fois l'âge adulte atteint, leur programme génétique leur conservait toute leur force et leur activité jusqu'à l'autonomie de leurs derniers enfants (soit environ 60 ans). Après cet âge, leurs forces déclinaient et leur survie dépendait de la solidarité familiale.
Pour les animaux dont beaucoup ont une fécondité énorme et une mortalité infantile en rapport, l'âge moyen de la durée de vie est extrêmement faible. C'est ce qu'impose l'ordre naturel qui veut que chaque espèce animale ne dépasse pas un certain nombre d'individus pour conserver l'équilibre naturel entre les espèces.Revenons au rôle de la médecine. La vraie question est celleci: peutelle modifier le programme génétique d'un individu, faire par exemple en sorte que celui qui doit devenir chauve à 50 ans ne perde ses cheveux qu'à 60 ans ?
Les très nombreux produits vendus pour retarder le vieillissement, et qui ont un si grand succès chez les femmes d'aujourd'hui, cellesci ayant renoncé à être d'abord des mères pour être d'abord des femmes désirables, ontils un effet réel ? N'y a-t-il pas une tromperie générale dont profite un nombre considérable de puissantes sociétés qui, grâce à la publicité incitative, réalisent un véritable lavage de cerveau chez nos adorables compagnes ?
Les résultats obtenus, même vrais et spectaculaires, ne seraient que passagers. Ce serait reculer (le vieillissement naturel) pour mieux sauter.
En fait, ces produits ne modifient pas le programme génétique de vieillissement. L'éclat du teint et la fermeté des chairs ne peuvent se prolonger.
Il est cependant très probable que la vie d'un individu peut être prolongée si elle est plus calme, plus protégée,
moins active. Il est certain que la durée de vie des gardiens de musée est beaucoup plus longue que celle de Napoléon Ier, mort à 52 ans. Mais auraitil pu être gardien de musée ? N' atil pas eu la chance de réaliser un des destins exceptionnels inscrits dans son patrimoine génétique à sa naissance ?

Quel poète a écrit : «J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans» ?

La médecine étant «une science qui a pour objet la conservation ou le rétablissement de la santé», il est préférable de distinguer la chirurgie de toutes les autres spécialités.
La chirurgie est un métier manuel au même titre que celui d'ébéniste. Le chirurgien travaille avec ses mains. Le mal et la manière de le traiter sont parfaitement clairs. L'opération est réussie ou non. La tricherie est difficile, la plupart du temps impossible.
Il en va autrement pour toutes les autres spécialités.
En chirurgie, la guérison naturelle est très rare. En vérité la chirurgie augmente la durée de vie.
Cependant nous avons montré que dans tous les domaines, la plupart des «progrès» ne faisaient que réparer les méfaits d'autres «progrès». Par exemple l'ascenseur est un progrès pour les habitants d'un immeuble, lequel fut un progrès par rapport aux maisons sans étage. Pour cellesci, pas besoin d'ascenseur!
Examinons tout ce que répare la chirurgie. Coeur fatigué, fractures diverses, organe détérioré, et posonsnous la question: ces maux existent-ils dans la nature totalement préservée de l'homme ?
Toutes les fractures dues aux sports, notamment le ski, aux accidents de la route, aux chutes diverses n'existent pas chez les animaux sauvages. De même toutes les blessures provoquées par les armes, surtout pendant les guerres. Les admirables progrès de la chirurgie ne font qu'annuler, quand elle le peut, les méfaits provoqués par d'autres progrès.
Les maladies cardiaques et de certains organes, les blessures diverses, ne sont que des maux provoqués par une vie très antinaturelle.
La médecine tente de refaire les corps humains tels que Dieu les a faits.
La formidable marche en avant de l'humanité par rapport à l'animalité dans le domaine de la santé ne serait-elle qu'une figure de rhétorique, belle mais inexacte ?

La civilisation moderne détruit de mieux en mieux

et répare de mieux en mieux

Malheureusement au lieu de tenter de construire une société où la vie de chacun serait plus naturelle, la civilisation moderne, comme dans les guerres, détruit de mieux en mieux et répare de mieux en mieux.
La croyance, soigneusement cultivée par ceux qui croient avoir intérêt à la faire accepter par tous, qu'il n'existe pas chez l'homme de défenses naturelles permettant de combattre victorieusement certaines maladies, ne cesse de pénétrer les esprits.
Le moindre bobo doit être soigné même si nous sommes biologiquement construits pour le guérir.
Nous devons nous protéger artificiellement, continuellement, de tout!
On ferait mieux d'expliquer à tous nos semblables qu'une vie plus naturelle nous éviterait la plupart de nos maux.
Voyez comment nos nutritionnistes ont trouvé qu'au lieu de laisser perdre les bêtes mortes, comme dans la nature, on pouvait en faire de la farine et qu'il était scientifiquement prouvé que nos animaux domestiques pouvaient s'en nourrir à moindre frais.
Aujourd'hui l'épidémie de la «vache folle» sème une terreur, peutêtre exagérée, mais dont les conséquences sont catastrophiques.
Voyez comment de puissantes sociétés créent des habitudes alimentaires artificielles provoquant des malformations irréversibles. Ainsi, un Américain sur trois est considéré comme obèse ou près de le devenir.
Le pire, c'est que ces malformations anti-naturelles deviennent peu à peu génétiques.
Oui, aux États-Unis, l'obésité est considérée comme d'origine génétique !
Comme nous l'avons déjà mentionné, avant la Seconde Guerre mondiale des études avaient montré que chez des minorités vivant encore très naturellement, par exemple dans certaines montagnes en Suisse ou au nord de l'Europe, la dentition restait merveilleusement saine toute la vie : bonne implantation des dents, pas de caries, pas de déchaussement.
Le «Progrès» dans le domaine nutritionnel a changé tout cela. De nos jours, beaucoup d'enfants ont une mauvaise implantation dentaire, les caries doivent être combattues constamment et les dents se déchaussent et tombent avant l'âge normal.
Malheureusement, ces mauvaises qualités dentaires sont devenues génétiques.

Conclusion

Dire aux Français que s'ils avaient vécu au XVIIIe siècle, ils seraient morts à 36 ans, c'est une présentation tendancieuse de la réalité. En vérité ils seraient morts soit dans la première enfance, soit vers 70 ans mais sûrement pas à 36 ans.
Dire aux Français que l'augmentation des dépenses médicales traduit une amélioration de leur protection sanitaire est discutable. Cela peut traduire aussi une détérioration de leur santé.
De nos jours, les femmes ont très peu d'enfants. L'immense capital de dévouement, de tendresse, de protection qu'elles possèdent se reporte sur peu d'êtres. La mortalité infantile a donc diminué considérablement ce qui prolonge d'autant notre espérance de vie.
Aujourd'hui, la mort d'un enfant est  un drame affreux, alors que jadis, c'était une péripétie normale dans le foisonnement de la vie.
Cette diminution de la mort infantile n'est pas la seule cause de l'augmentation de la durée moyenne de la vie. Si le programme génétique du vieillissement de chaque être n'a pu être modifié, la médecine a réussi à prolonger le 3e âge, celui de la survie. Dans, nos sociétés d'abondance, la solidarité permet à ceux qui ont perdu toute autonomie de conserver une vie à laquelle nous sommes tous attachés, même si elle ne nous apporte plus rien. La Fontaine a traité le sujet dans : «La Mort et le malheureux» et «La Mort et le bûcheron».
Parfois cette survie est très douloureusement vécue par la personne âgée et par ceux qui l'entourent. Beaucoup s'interrogent à ce sujet.


Maxime Laguerre : 

L'ORDRE NATUREL
Un essai à contre-courant
1993 
Editions de L'Éternel retour
(Disponible sur Internet dès janvier 2001) 

© MAXIME LAGUERRE 1993


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